Alcool : Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables aux troubles liés à la consommation d’alcool ?



 La réponse se trouve probablement dans la strie terminale, une structure nerveuse du cerveau connue pour jouer un rôle dans la réponse au stress et à l’anxiété, et associée au comportement d’abus d’alcool. Il est connu que le noyau de la strie terminale, chez les mammifères, est plus volumineux chez les mâles que chez les femelles. Mais des chercheurs ont récemment découvert qu’un « frein » synaptique, présent dans cette région cérébrale, serait à l’origine des différences observées entre les sexes face à l’alcool.

Le trouble lié à la consommation d’alcool – qui englobe à la fois l’abus et une mauvaise tolérance – est fortement co-exprimé avec d’autres maladies neuropsychiatriques, notamment les troubles anxieux. Les femmes sont plus sensibles à cette comorbidité que les hommes (61% contre 35%, respectivement) et la consommation excessive d’alcool est l’un des principaux facteurs de risque pour le développement de ces maladies.


Les femelles seraient biologiquement prédisposées au binge drinking

Globalement, dans notre société, les femmes ont tendance à consommer moins d’alcool que les hommes. Les données du Baromètre santé 2017 indiquent que 10 % des adultes boivent tous les jours (15,2 % des hommes et 5,1 % des femmes). Ceci s’explique principalement par des facteurs culturels et/ou sociétaux (peur de prendre du poids, peur de mal se comporter, peur d’être plus vulnérable au sexe opposé, etc.). Néanmoins, au cours des dernières décennies, cet écart entre les sexes s’est considérablement réduit, en particulier chez les jeunes femmes, de plus en plus adeptes du binge drinking – une pratique qui consiste à consommer beaucoup d’alcool en un temps très court, de manière à atteindre l’ivresse le plus vite possible.


Il se pourrait même que les femmes soient, par nature, plus vulnérables aux troubles liés à la consommation d’alcool, pour des raisons qui relèvent de la biologie. Chez toutes les espèces de mammifères, les femelles présentent une consommation excessive d’alcool plus importante que les mâles et passent plus rapidement de la première consommation à des états pathologiques, explique Kristen Pleil, professeur adjoint de pharmacologie à Weill Cornell Medicine. « Il existe des différences entre les sexes dans la biologie du cerveau qui contrôle les comportements de consommation d’alcool, et nous devons vraiment comprendre ces différences si nous voulons mettre au point des traitements optimaux pour les troubles liés à la consommation d’alcool », souligne-t-elle.



Le noyau de la strie terminale (ou BNST pour bed nucleus of the stria terminalis) est une plaque tournante dans les circuits cérébraux qui sous-tendent l’anxiété et les troubles liés à la consommation d’alcool et de substances psychoactives chez l’être humain ; or, cette région cérébrale présente un fort dimorphisme sexuel chez les mammifères. Mais les mécanismes contrôlant la consommation excessive d’alcool chez les femmes, de même que les différences entre les sexes dans l’expression de ce comportement, restent mal compris. Pour tenter d’obtenir quelques éléments de réponse, Pleil et ses collaborateurs ont examiné et comparé le BNST de souris mâles et femelles. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.


Des liaisons neuronales qui limitent la consommation d’alcool ?

Les chercheurs ont ainsi découvert qu’une importante population de neurones du BNST – dont l’activité favorise le comportement d’abus d’alcool chez les souris – sont plus excitables et plus susceptibles de se déclencher spontanément chez les femelles que chez les mâles. Ce qui expliquerait la plus grande prédisposition des souris femelles au binge drinking.


Cette plus grande excitabilité signifie, en d’autres termes, que davantage d’inhibiteurs sont nécessaires pour prévenir, ou du moins limiter, la consommation excessive d’alcool. Or, les chercheurs ont constaté qu’un groupe de neurones plus éloigné, appelé noyau paraventriculaire du thalamus (PVT), fortement relié au BNST, agit comme un inhibiteur naturel de son activité ; et il apparaît que l’influence de ces neurones est plus marquée chez les femelles que chez les mâles.


En outre, l’équipe a remarqué que l’inhibition chimiogénétique de la projection axonale du PVT vers le BNST favorisait la consommation excessive d’alcool uniquement chez les souris femelles, tandis que son activation a réduit le comportement d’évitement chez les deux sexes. Ils notent également que des consommations excessives d’alcool répétées ont produit un phénotype de type féminin dans la synapse excitatrice mâle PVT-BNST (sans pour autant altérer la fonction des neurones PVT).


Le PVT serait donc capable de freiner la consommation excessive d’alcool chez les souris femelles, mais pas chez les mâles (de base, l’activité de leurs neurones du BNST est plus faible). Si les femelles peuvent bénéficier d’une plus grande protection grâce à ce mécanisme, elles peuvent toutefois être plus vulnérables aux maladies lorsque ce « frein » est perturbé, notent les chercheurs. Les troubles anxieux, qui touchent davantage les femmes que les hommes, coïncident d’ailleurs souvent avec une consommation excessive d’alcool.


Pleil et ses collègues étudient à présent les circuits neuronaux situés en amont, qui stimulent l’activité du BNST, le rôle des œstrogènes, ainsi que les caractéristiques moléculaires des neurones du PVT et du BNST, qui pourraient servir de nouvelle cibles pour de futurs traitements médicamenteux des troubles liés à l’alcool. En attendant, pour les hommes comme pour les femmes, il est avéré que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé : alors en cette période de fêtes, tâchez d’être raisonnable !

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